Archives des Maladies Professionnelles et de l'Environnement
MémoireCancérogènes de la vessie : présentation d’un questionnaire de tâches pour le repérage des expositions professionnellesBladder carcinogens: A screening tasks questionnaire to access occupational exposure
Introduction
En 2005 environ 10 000 nouveaux cas de cancer de vessie ont été diagnostiqués en France. Il s’agit de la septième cause de cancer en France (au cinquième rang chez l’homme et au 16e rang chez la femme) [1]. À partir des données de la littérature internationale, l’InVS a estimé entre 625 et 1110 le nombre de cas annuels (c’est-à-dire 8 à 14,2 % des cancers de vessie chez les hommes) attribuables à des facteurs professionnels en France [2], ce qui ferait du cancer de vessie la deuxième localisation de cancer d’origine professionnelle après les cancers respiratoires [3].
Plusieurs composés tels que certains hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et plusieurs amines aromatiques (AA) ont été identifiés comme des agents cancérogènes prouvés pour la vessie [4], [5]. L’INRS a identifié en 2005, neuf agents chimiques dits « cancérogènes mutagènes toxiques pour la reproduction » (CMR) dans la famille des HAP et 42 parmi les AA encore utilisés en France [6]. Les AA sont encore présentes dans l’industrie chimique (fabrication de colorants), dans certains laboratoires d’analyses ou de recherches ; et les HAP dans les secteurs de la sidérurgie, des fonderies ou de la fabrication d’aluminium. Toutefois si l’exposition aux agents cancérogènes pour la vessie demeure notable dans certains secteurs (par exemple les HAP dans la sidérurgie), les expositions ont fortement diminué au cours du temps notamment du fait de l’évolution des techniques industrielles. Ainsi certains procédés de fabrication ont disparu et des produits sont aujourd’hui utilisés en bien moindre quantité qu’auparavant réduisant ainsi l’exposition. À l’inverse, il a pu être identifié de nouveaux procédés de travail exposant parfois fortement à des agents cancérogènes pour la vessie (comme par exemple dans la maintenance de disques en carbone). Cette diminution des expositions professionnelles est également due à l’évolution de la réglementation : le décret du 28 août 1989 a interdit l’utilisation de certaines AA, comme la benzidine, considérées comme cancérogènes certains pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) tandis que l’arrêté du 7 août 1997 limite l’utilisation aux applications industrielles d’autres amines (c’est le cas de l’orthotolidine) [7].
En pratique quotidienne, il apparaît cependant difficile de déterminer s’il existe une exposition professionnelle chez un sujet ayant exercé un poste de travail donné et, qui plus est, d’apprécier son risque de développer un cancer de la vessie. De plus, du fait de la latence de survenue du cancer de vessie par rapport au moment de l’exposition (en moyenne de dix à 20 ans), cette évaluation doit le plus souvent être rétrospective, ce qui renforce la difficulté à la mettre en évidence. Cela explique en partie la sous-déclaration des cancers de vessie en maladie professionnelle, d’autant que le nombre de substances possibles pour les AA et la variabilité des niveaux pour certains HAP complexifient cette approche.
Parmi les outils existants, l’emploi de matrices emplois-expositions (MEE) ou de questionnaires spécifiques de certaines branches industrielles a été validé pour mener une évaluation rétrospective de l’exposition professionnelle dans certaines situations [8]. Ces approches ont été considérées comme équivalentes pour certaines nuisances comme l’amiante [9]. L’intérêt d’une autre approche, les questionnaires de tâches, a également été démontré dans l’évaluation des expositions professionnelles, en particulier pour la silice [10]. Il existe toutefois actuellement très peu de ce type de questionnaire, pourtant plus simple de mise en œuvre.
Le but de ce travail a été d’établir un questionnaire avec une approche par tâches permettant un repérage des salariés exposés ou ayant été exposés à des agents cancérogènes pour la vessie.
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Méthodes
Ce travail a été effectué dans le cadre de la préparation du colloque « Pour en finir avec le cancer de vessie en milieu professionnel » organisé par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) en mars 2007 à Paris. À ce titre, deux groupes de travail ont été constitués afin de faire un inventaire des expositions professionnelles aux AA et aux HAP.
Le premier groupe a défini une liste de produits (cancérogènes avérés ou suspectés) et des travaux potentiellement exposants en s’appuyant
Résultats
Le questionnaire comporte 43 questions Tableau IV, Tableau V.
Discussion
Ce travail a permis de mettre en place un questionnaire décrivant un ensemble de tâches exposant à des cancérogènes de la vessie, en fournissant, selon les procédés et périodes, une indication des probabilités et des niveaux d’expositions. Ces indicateurs ont été estimés par consensus par un groupe d’experts à partir de données métrologiques et bibliographiques. À notre connaissance, un tel outil n’a pas encore été proposé dans la littérature.
Il constitue donc un outil supplémentaire, utile à
Conclusion
Ce questionnaire s’avère être un outil didactique, d’aide au repérage des principales expositions professionnelles susceptibles de provoquer une lésion maligne de la vessie. Dans l’attente d’une évaluation de sa sensibilité et de sa spécificité, ce questionnaire s’adresse notamment aux médecins du travail mais peut également être utilisé par d’autres professionnels de santé, comme les urologues. Ce questionnaire n’a pas, dans sa forme actuelle, vocation à être utilisé directement par le patient
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cette article.
Remerciements
Les auteurs remercient les participants à ce travail : B Lafontaine, JF Certin et Y Creau.
Références (22)
- et al.
Occupational exposures to polycyclic aromatic hydrocarbons, and respiratory and urinary tract cancers: a quantitative review to 2005
Ann Oncol
(2007) - et al.
Percutaneous absorption of aromatic amines – A contribution for human health risk assessment
Food Chem Toxicol.
(2008) - Institut de veille sanitaire. Surveillance épidémiologique des cancers. Estimation d’incidence et de mortalité par...
- Imbernon E. Estimation du nombre de cas de certains cancers attribuables à des facteurs professionnels en France, 2003....
- Hery M. Cancers de la vessie et risques professionnels. Édition EDP Sciences ; Les Ulis :...
- Pairon JC, Brochard P, Le Bourgeois JP, et al. Les cancers professionnels, tome I. Édition Margaux orange ; Paris :...
- International agency for research on cancer. (Source Internet :...
Inventaire des agents chimiques CMR utilisés en France en 2005
INRS Hyg Secur Travail
(2006)- Décret no 89-593 du 28 août 1989 réglementant la production et l’utilisation de certaines substances dangereuses et...
- et al.
Retrospective assessment of asbestos exposure – I. Case-control analysis in a study of lung cancer: efficiency of job-specific questionnaires and job exposure matrices
Int J Epidemiol
(1993)